Salvador de Bahia, autour du largo de Cruzeiro de Sao Francisco
Jeudi 22 janvier. Après l’éblouissant Largo do Pelourinho, on monte encore plus haut dans la ville en direction du Largo de Cruzeiro de Sao Francisco.
Pour bien comprendre Salvador de Bahia, il faut savoir d’abord la visualiser. La ville se love au milieu de la gigantesque baie de tous les saints aux côtes ponctuées d’îles, découpée de pointes et de criques sableuses ou rocheuses. En fait, la baie forme une petite mer intérieure d’un bleu profond.
Il faut fermer les yeux un instant et imaginer les premières caravelles du vieux continent qui, après une périlleuse traversée de l’Atlantique, venaient plonger leurs lourdes ancres au milieu de la baie et de ce décor paradisiaque. Quelques années plus tard, les cargaisons de sucre et de produits tropicaux alternaient alors avec les cales des navires négriers…
Car c’est bien à Salvador que l’histoire du Brésil s’est écrite au XVIe siècle. Ses racines sont là, dans cette vaste baie, dans ses maisons coloniales qui appartenaient aux premiers riches commerçants qui s’installèrent dans ce pays, dans ces maisons colorées où se regroupaient les familles d’esclaves…
Première capitale et berceau du Brésil, Salvador de Bahia va s’enrichir grâce à la canne à sucre et se couvrir d’églises et de palais. C’est ce vieux Salvador colonial qu’on découvre à mesure qu’on s’enfonce dans le cœur de la ville et le Largo de Cruzeiro de Sao Francisco en est le véritable symbole avec cette immense croix dressée au milieu de la place pavée, l’église et le couvent Sao Francisco avec son pignon baroque et ses deux tours symétriques.
Ok, après ce premier choc visuel, on commence la visite… par un malentendu ! En croyant visiter le couvent, on commence par découvrir la belle Igreja da Ordem Terceira de Sao Francisco et sa façade magnifique.
Sa façade justement a une drôle d’histoire. Elle fut entièrement recouverte de plâtre pendant 150 ans et ce ne fut qu’au hasard de travaux de câblage électrique en 1936 qu’un ouvrier la redécouvrit ! Après neuf ans de travail pour en restituer la magnificence d’origine, elle put de nouveau délivrer toute la beauté de son style churrigueresque de 1703, travaillée en volutes et entourée de niches
A l’intérieur, la nef néo-classique assez sobre contraste étonnamment avec la façade. Une enfilade de pièces entoure l’église et mène à un étage où sont entreposés de nombreuses statues de saints et un superbe Christ en croix.
Mais le plus beau reste à venir avec cette superbe collection d’azulejos représentant un cortège nuptial parcourant la ville de Lisbonne en 1729… Du coup, on redécouvre Lisbonne et ses monuments avant le grand tremblement de terre de 1755.
Après cette belle église, direction le couvent de San Francisco qui fut construit entre 1686 et 1708. Si le couvent ne se visite pas (une dizaine de moines l’habite encore), on peut toutefois admirer l’église franciscaine dont la décoration intérieure, du XVIIIe, illustre l’idéal baroque brésilien.
En deux mots pour résumer : un luxe époustouflant ! Entièrement recouvert de feuilles d’or, la nef fait la part belle aux sculptures, aux feuilles d’acanthe, aux angelots et aux chérubins. Des colonnes torses grimpent jusqu’aux plafonds. Magnifique… Si l’on se résout à oublier que cet or fut pour la plupart volé aux populations indiennes…
Mais le clou de la visite du Couvent San Francisco reste le cloître recouvert d’une série d’azulejos exceptionnels, réalisés au Portugal, numérotés, puis assemblés à Salvador. Chacun des murs traite d’un thème philosophique : l’argent sur le mur côté extérieur, l’amitié côté couvent, la vertu côté église, et la mort côté cimetière. L’ensemble forme une unité exceptionnelle. On n’en finit pas d’en faire le tour en essayant de repérer chacun des panneaux, mais il est grand temps d’aller manger. Mon ventre crie famine… Allez zou, direction le restaurant !
Direction chez Ramma, un petit resto hyper sympa planté en plein coeur de la place San Francisco qui propose une formule buffet au kilo de produits frais et bio. Du jamais vu pour nous. L’idée est toute simple : tu payes chaque gramme que tu avales et tu règles en plus les boissons. Du coup, ça ne coûte pas grand chose et la nourriture est vraiment excellente. D’ailleurs, on ne s’y trompe pas : tous les gens du quartier viennent manger là. Au choix : légumes grillés, riz jaune aux amandes, quinoa, poissons, viandes. Un régal.
Mais au-delà de sa cuisine, Ramma offre surtout une vue exceptionnelle sur le Largo de Cruzeiro de Sao Francisco. Depuis notre place près de la fenêtre ouverte sur la place, on a une vue sans égal sur ce cours unique au monde ponctué de maisons colorées et baroques.