Dougga
La perle romaine
Comment s’y rendre ?
En prenant le bus depuis Tunis en direction de Téboursouk, puis le taxi vers Dougga.
En voiture : depuis Tunis, prendre la route P5 en direction du Kef (ou l’autoroute A3 et sortir à Medjez el Bab). S’arrêter à Téboursouk, à environ 110km de Tunis. Tourner à droite dans le centre de Téboursouk pour prendre une petite route qui serpente pendant 5 km dans les oliviers. Suivre ensuite les panneaux jusqu’à l’entrée du site.
Prix d’entrée :
Ouvert tous les jours de 8h30 à 17h30 en hiver et de 8 à 19 heures en été. Entrée 10 dinars.
Parking à l’entrée du site.
Dougga, la Pompéi d'Afrique du Nord
Lundi 14 mars 2011. Après un rapide déjeuner pris au bord de la route (agneau au menu, délicieux !), direction la cité romaine de Dougga, sans aucun doute la perle antique de la Tunisie, avec Bulla Regia et le colisée d’El Jem. Bref, je suis comblé. Perché à 600 mètres d’altitude, entouré d’oliviers, le site est un des plus importants d’Afrique du Nord, la plus grande ville conservée du continent. Des habitants vivaient encore sur le site au XIXe siècle, avant que les archéologues ne les chassent. Je vais passer là, les trois plus belles heures de mon voyage. Le site est désert et je suis le seul touriste à le visiter. Tous les touristes ont fui avec la révolution tunisienne.
Un peu d’histoire. Le temple à Massinissa sous le forum, élevé en 139 av. J.-C., mesure plus de 14 mètres de longueur sur 6,3 mètres de largeur. Il montre que le quartier du forum a été urbanisé avant l’arrivée des colons romains. Un habitat du IIe siècle av. J.-C. a aussi été retrouvé à proximité. En tant que vieille cité numide marquée par l’influence de Carthage, les Romains lui attribuent lors de leur conquête le statut de cité indigène (civitas).
La fondation de la colonie de Carthage sous le règne d’Auguste complique le statut institutionnel de Dougga. Celle-ci est en effet intégrée au territoire (pertica) de la colonie romaine de Carthage : un pagus (canton) de colons romains s’ajoute à la cité indigène. Pendant deux siècles, deux cadres civiques et institutionnels se partagent donc le même site urbain : la cité composée de pérégrins et le pagus composé de citoyens romains. Avec les progrès de la romanisation, les deux communautés se rapprochent : les notables de la cité pérégrine se romanisent et reçoivent la citoyenneté romaine. Ce n’est cependant que sous le règne de Septime Sévère, en 205, que les deux entités fusionnent au sein d’un municipe.
La cité obtient sous le règne de Gallien le titre de colonie romaine. À partir du règne de Dioclétien et jusqu’à celui de Théodose l’Ancien, la cité est prospère comme en témoigne sa parure monumentale. Cependant, à partir du IVe siècle, la cité entre dans une certaine torpeur, le christianisme n’y ayant laissé que des traces modestes.
On commence la visite par le théâtre romain, situé à gauche de l’entrée. Construit entre 168 et 169 av. J.-C., l’édifice est encore parfaitement conservé. Il pouvait accueillir jusqu’à 3.500 spectateurs. Du coup, je passe un moment sur la scène, à l’ombre des colonnes encore debout, et lance un regard circulaire vers les gradins qui m’entourent. Impressionnant. Il suffit ensuite de monter quelques degrés pour mieux apprécier la beauté de ce théâtre qui surplombe toute la région. Depuis le sommet des gradins, la vue est exceptionnelle.
Après le théâtre, je remonte la voie romaine pour aller droit vers le Capitole. Le monument est encore dans un assez bon état de conservation. Un escalier de onze marches mène au portique de façade. Les colonnes corinthiennes de la façade s’élèvent à huit mètres de haut, au-dessus desquelles se trouve le fronton en parfait état.
Il conserve une représentation de l’apothéose de l’empereur Antonin le Pieux enlevé par un aigle. Le fond de la cella comporte encore les emplacements pour trois statues destinées au culte. Dans celui du centre se dresse une statue colossale de Jupiter.
Le Capitole est un temple romain du IIe siècle principalement dédié à la triade protectrice de Rome : Jupiter Optimus Maximus, Junon Regina et Minerve Augusta. Il est dédié de manière secondaire à la sauvegarde des empereurs Lucius Verus et Marc Aurèle ; il a sans doute été achevé en 166-167.
Immédiatement à droite quand on regarde le Capitole, une place magnifique, particulièrement bien conservée, abrite un des chefs-d’œuvre du site : la Rose des Vents. Pour mieux admirer cette place, il faut grimper sur les marches du Capitole et prendre de la hauteur. Là, apparaît alors la fameuse rose des vents gravées dans les pavés de la place. Une rose portant le nom des douze vents est gravée dans le dallage. C’est là que se trouve la statue de l’empereur. Par souci d’économie, on ne conservait que le buste et la tête du nouvel empereur était placée à chaque nouveau couronnement.
Je reste là à imaginer la vie qui existait alors à Dougga, puis je redescends les marches du Capitole pour fouler les pavés du forum. J’imagine encore les rassemblements qui avaient lieu ici à l’époque romaine, les lois qu’on discutait, les décisions que l’on prenait. Le forum de la cité avec ses 924 m2 est à la fois petit et inégalement préservé, la forteresse byzantine ayant endommagé une grande partie des bâtiments le constituant.
Placés d’une extrémité à l’autre de la ville, deux arcs de triomphe sont encore conservés. L’arc de Septime Sévère, très endommagé, se situe à proximité du mausolée libyco-punique et se trouve relié à la voie menant de Carthage à Théveste. Son érection est datée de l’année 205. Quant à l’arc de Sévère Alexandre, daté des années 222-235, il est relativement bien conservé — en dépit de la perte de ses parties supérieures — et se situe à égale distance du Capitole et du temple de Junon Caelestis. Son arcade mesure quatre mètres. Un dernier arc datant de la Tétrarchie a quant à lui complètement disparu.
A l’extrémité ouest de la ville, j’emprunte un petit chemin de pierre encadré par les oliviers pour me rendre jusqu’au temple de Junon Caelestis. Ce temple est certainement le plus beau du site antique, et sans doute le mieux conservé.
Bâti au centre d’une place en forme de croissant de lune, délimité par une rangée de colonnes corinthiennes, il est une pure merveille. L’enfilade des colonnes formant un demi-cercle est magnifique.
Le temple, dédié à Junon Caelestis, héritière de la Tanit punique, est remarquable en raison de l’état de conservation de son enceinte sacrée (temenos) délimitée par un mur dont une partie importante est très bien conservée. La cour est pavée en partie seulement et s’ouvre par deux portes symétriques. Un portique de 25 travées borde la partie circulaire de l’enceinte. Il est surmonté par une frise relatant sa construction. Le temple se situe sur un haut podium auquel on accède par un escalier de onze marches. Le fronton porte une dédicace à Sévère Alexandre. La cella a quant à elle totalement disparu.
La construction, étalée de 222 à 235, a été payée par un certain Q. Gabinius Rufus Felix qui y fit en outre déposer deux statues d’argent de la déesse d’un coût de 35.000 sesterces. La forme de l’enceinte de ce temple du IIIe siècle de 52 mètres de diamètre évoquerait un croissant de lune, symbole de la divinité.
Mais la magie de Dougga, ce sont aussi ses allées bordées d’oliviers. Des centaines d’arbre entourent la ville antique et lui confèrent une majesté unique. A voir aussi, l’immense citerne d’eau et les aqueducs géants qui alimentaient la ville.
A l’opposé de la ville, côté Est, ce sont les thermes d’Antonin qui sont encore très bien conservés. Pour y accéder, il faut passer par une rue souterraine, creusée sous les vestiges d’autres temples. Les Romains avaient déjà un grand sens de l’architecture. Bâtis au IIIe siècle, les thermes antoniniens possèdent encore plusieurs étages. Ils furent transformés en huilerie à une époque inconnue. Le plan de l’édifice est symétrique et de taille moyenne avec environ 1.700 m2 de superficie hors les palestres, dont 175 m2 pour le seul frigidarium. La construction a nécessité de gros travaux à la fois de nivellement et de remblai de la pente, cet élément pouvant expliquer la différence de conservation car l’espace bâti sur le remblai a largement disparu.
Après ça, je prends tout mon temps pour déambuler à travers les rues, allant de temple en temple, de maison en maison. Et du coup, je finis par me perdre ! La ville est tellement étendue qu’il est impossible de tout à fait se repérer. Mais c’est aussi le meilleur moyen de comprendre l’ampleur et l’importance de la cité : la multiplication des temples, les habitations romaines, le marché et toutes les installations modernes qui peuplaient les demeures de l’antiquité.
Au hasard des rues, on peut aussi se rendre compte des voies romaines qui ont su traverser les affres du temps. Le centre de la cité est vraisemblablement piétonnier et les voies s’apparentent davantage à des venelles riches en méandres. Des installations d’assainissement y sont présentes comme en témoignent les plaques d’égouts encore en place.
Au bas de la colline se trouvent encore les traces des routes rejoignant la grande voie de Carthage à Théveste. C’est aussi l’occasion de découvrir l’extraordinaire réseau d’aqueducs et de citernes. Le site de Dougga possède encore deux beaux ensembles de citernes, au nord et à l’ouest, dont l’un est particulièrement bien préservé. Un aqueduc menant à la cité, localisé à une très faible distance de celle-ci, compte parmi les monuments de ce type les mieux conservés de la Tunisie actuelle.
Les six citernes d’Aïn El Hammam, situées à proximité du temple de Junon Caelestis, peuvent contenir 6.000 m3 et sont particulièrement ruinées. Elles sont alimentées par une source située à 12 kilomètres et un aqueduc construit sous le règne de Commode et restauré dans le dernier quart du IVe siècle.
Le second ensemble, les citernes d’Aïn Mizeb, est en très bon état de conservation. Situés près du temple de Minerve, ses huit réservoirs voûtés peuvent contenir 9.000 m3 dont un bassin de décantation apposé. Ces réservoirs sont alimentés par une source située à 200 mètres et un aqueduc souterrain.