Le fantôme de l'ancien hippodrome romain
Jeudi 22 novembre 2012. Aller-retour. La nuit tombe sur Istanbul. Cinq heures à peine. Tout juste le temps d’admirer enfin la place de l’ancien hippodrome. Tout en longueur et traversée par deux obélisques.
Au centre, la colonne serpentine. Dressée à l’origine devant le temple d’Appollon, à Delphes, en souvenir de la bataille de Platées (479 av. JC.) remportée par les Grecs sur les troupes du roi perse, Xerxès.
Plus haut sur la place, l’obélisque de Théodose. Le pharaon Touthmôsis III (1504-1450) avait fait dresser cet obélisque devant le temple de Karnak, en l’honneur de ses victoires. En 390, l’empereur Théodose le fait transporter à Constantinople et le fait ériger au centre de l’hippodrome. Monolythe de porphyre, haut de 25 m.
La colonne de Constantin murée enfin. IVe siècle. Ses plaques de bronze ornées d’inscription furent pillées par les Croisés lors de la IVe croisade.
Ma jambe droite me met au supplice. Quelle chance, la place regorge de bancs pour se reposer. Je vais d’un banc à l’autre et admire ces somptueux obélisques. L’éclairage est parfait. Le crépuscule se charge de nuages laiteux. Quelle beauté.
Un p'tit morceau d'histoire
L’hippodrome de Constantinople est l’arène hippique monumentale de la capitale de l’Empire byzantin, dans laquelle se déroulaient des courses de chars et d’autres manifestations. Sa construction est commencée par l’empereur Septime Sévère dans la ville qui s’appelait encore Byzance, pour être achevée par Constantin Ier pour sa nouvelle capitale, Constantinople. L’hippodrome a été ensuite utilisé jusqu’à la fin du XIIe siècle, avant d’être partiellement incendié par les Croisés en 1203.
Cirque romain conforme au modèle du Circus Maximus à Rome : en forme d’épingle à cheveux. L’extrémité nord-est est occupée par les carceres, les stalles de départ des chars, au nombre de douze. Au sommet des gradins courait un long portique. Côté oriental des gradins se trouvait le Kathisma, la loge monumentale de l’empereur, l’équivalent du pulvinar au Circus Maximus.
Cette structure à deux niveaux comprenait, outre la loge proprement dite, une salle de réception, et communiquait directement avec le Grand palais.
L’hippodrome de 450 mètres de long pouvait accueillir 100.000 spectateurs. Pendant toute la période byzantine, l’hippodrome est le centre de la vie sociale et politique de la cité.
Des sommes énormes sont engagées dans les paris autour des courses de chevaux et la ville est divisée entre les supporteurs des Bleus (Venetii) et des Verts (Prasinoi), les Rouges (Rousioi) et les Blancs (Leukoi). Ces factions prennent progressivement une couleur politique et religieuse, et mènent parfois des combats qui débouchent sur de véritables guerres civiles comme la sédition Nika en 532.
Constantinople ne s’est jamais réellement relevée du sac de la ville, en 1203 et 1204, lors de la quatrième croisade, bien que l’empire ait nominalement survécu jusqu’en 1453. L’hippodrome, partiellement incendié, ne fut pas reconstruit.
Les Ottomans qui font de la ville leur capitale ne prêtent aucun intérêt aux courses de chevaux et l’hippodrome reste à l’abandon.